C’est une évidence, l’agriculture bio progresse dans le monde, avec toutefois des disparités importantes selon les pays et les territoires. Pourtant, l’agriculture bio ne représente que 0,99 % du territoire agricole mondial. En l’état, cette forme d’agriculture ne peut évidemment pas satisfaire les besoins en alimentation de toute la population mondiale.
Au passage, l’agriculture conventionnelle n’en est pas capable non plus puisque plus de 800 millions de personnes sont encore sous-alimentées dans le monde. La perspective que l’agriculture bio suffise à nourrir le monde est-elle envisageable dans l’avenir ?
Les rendements de l’agriculture bio quasiment équivalents à ceux de l’agriculture conventionnelle
L’Organisation des nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) se penche depuis plusieurs années maintenant sur le rôle de l’agriculture biologique dans le monde et notamment sa capacité à pouvoir nourrir toute la planète et ses 9 milliards d’habitants prévus en 2050. Sur la question, souvent soulevée par les détracteurs de l’agriculture biologique, de son rendement qui serait moindre que celui de l’agriculture conventionnelle, l’organisation internationale est formelle : « En moyenne, le rendement des cultures biologiques est comparable à celui des cultures conventionnelles » peut-on lire dans le rapport de la Conférence internationale sur l’agriculture biologique et la sécurité alimentaire organisée par la FAO à Rome en 2007.
La FAO nuance toutefois son propos en indiquant que passer d’une agriculture qui utilise des pesticides et autres engrais chimiques à un mode d’agriculture biologique demande du temps pour que les sols produisent à nouveau normalement, et en même quantité, mais sans apports chimiques.
Revoir les rapports nord-sud
Comme le démontre très bien Pierre Rabhi, pionnier de l’agriculture écologique en France, à l’origine du Mouvement Colibris, il est possible de redonner leur autonomie alimentaire aux plus démunis notamment en Afrique où il a mené de multiples expériences, afin que les populations locales puissent sauvegarder leur patrimoine nourricier.
La faim dans le monde est surtout due à l’accaparement des terres de ces pays par des Etats riches et des multinationales qui y mènent une agriculture intensive utilisant engrais chimiques et pesticides. C’est le cas par exemple au Brésil qui exporte son soja pour nourrir nos bestiaux alors que les pauvres crèvent de faim sur place, pareil au Cameroun, en Côte d’Ivoire ou en Ethiopie qui exportent leur café et leur cacao vers chez nous sans pouvoir importer quoi que ce soit pour se nourrir faute d’être considéré suffisamment solvables. Cette exploitation des terres pour l’exportation empêche la culture du mil par exemple, base d’une alimentation saine et nutritive sur place.
Lorsqu’il s’agit de milieux tropicaux, particulièrement soumis aux aléas climatiques qui fragilisent les sols, l’agriculture chimique est aberrante car elle ne tient pas compte de cette fragilité : du coup, elle l’aggrave, sans compter qu’elle coûte bien trop cher pour les paysans de ces pays du sud.
Au contraire, les techniques de l’agriculture biologique permettent de stabiliser les sols en tenant compte du « terroir » : culture de variétés adaptées avec bonnes associations entre elles, utilisation du savoir-faire des paysans locaux et de la main d’œuvre sur place, mise en place de techniques permaculturelles. Ceci évite l’exode rural, l’éviction des personnes en âge de travailler hors de l’emploi, dans les bidonvilles et la pauvreté.
Avec l’explosion du chômage et face à la fin dans le monde, l’obsession du rendement que veut le Nord doit être remplacée par l’urgence environnementale qui va de paire avec les préoccupations d’équité sociale, qui s’imposent dans le Sud encore plus qu’ailleurs.
Rappelons que chaque français jette 20 kg / an de nourriture, que tous les diététiciens s’accordent pour dire que nous consommons trop de viande et que les bio-carburants – qui accaparent des terres nourricières – ne sont qu’un leurre d’énergie verte.
Nourrir les 7 milliards de terriens, et les 9 milliards prévus à l’horizon 2050, seulement grâce à l’agriculture biologique sera possible si on entame des changements profonds et communs portés par les pouvoirs publics, les acteurs syndicaux et associatifs : il s’agit d’une véritable révolution agricole qui se fera petit à petit, inévitablement.
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